Rainbow Warrior
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En quête d’une chaussure de randonnée hivernale pouvant être équipée de raquettes et de crampons, je me suis rendu dans cette boutique la semaine dernière.
J’explique mes besoins à la vendeuse, qui me demande des précisions et me désigne le rayonnage tout près du comptoir où se trouvent les paires qui pourraient convenir et, à titre d’exemple, un modèle en particulier.
Tandis que j’y jette un oeil, entre un client qu’elle connait visiblement, ils échangent, badinent, on m’oublie pendant un bon quart d’heure (je ne suis pourtant qu’à 2 mètres, la boutique est minuscule). Je n’ose interrompre la conversation qui va bon train, et patiente pour trouver le moment opportun. Je jette un regard appuyé de temps en temps pour manifester ma présence si besoin était et témoigner de mon souhait d’essayer la paire. Son collègue oisif derrière le comptoir ne prend pas spontanément le relai.
J’entends qu’elle va devoir aller récupérer sa fille à l’école, ce qu’elle fera 5 minutes plus tard en me lançant un dernier regard : « Je vous laisse avec mon collègue ».
Je suis presque ému qu’on se rappelle de ma présence, mais son collègue n’en a manifestement pas plus à fiche de ma petite personne, et discute à son tour de choses et d’autres avec le monsieur arrivé après moi.
A nouveau je ne veux pas paraître impoli en les interrompant, mais enfin ça fait bien 30 minutes que je poireaute, stupidement planté là avec le modèle qu’on m’a désigné à la main. Je tente à nouveau le regard appuyé. Le vendeur se tourne enfin vers moi, l’air de dire, vous êtes encore là vous ?
« Est-ce que je pourrais essayer cette paire ? »
« Il faudrait d’abord que je j'aie votre pointure ! »
Ah, riche idée tiens. Pourquoi ne pas mesurer mon pied ? Je ne connais pas le chaussant de Meindl, ni la marge qu’il faut prévoir pour l’usage auquel je destine la chaussure. Comme je devine qu'il ne se donnera pas cette peine (et chacun sa technique après tout), je lui indique les 2 pointures qui pourraient correspondre.
Après un nouveau moment à discuter avec l’autre client, il disparaît une minute et reviens : « J’ai pas votre pointure ». Et me laisse à nouveau en plan.
Enhardi, j’ose : « Il y a peut-être un autre modèle qui pourrait convenir ? Peut-être pourriez-vous me montrer ce que… »
« Oh monsieur, je crois que ma collègue vous a assez bien expliqué »
J'en reste stupéfait. Plus d'une demi-heure que j’attends qu’on s’occupe de moi pour entendre… qu’on s’est déjà suffisamment occupé de moi ?!!
A ce moment j’aurais dû tourner les talons mais naïvement j'ai pensé qu’il pouvait y avoir un quiproquo, et qu'il avait déliré un échange qui n'avait pas eu lieu.
« Non je vous assure. Votre collègue m’avait simplement désigné cette chaussure, vous me dites ne pas avoir ma pointure, peut-être pouvez-vous me montrer les autres modèles qui pourraient convenir ? »
« C’est là ! » (désignant le rayonnage)
« Bon peut-être pourriez-vous me dire ce qui distingue les différents modèles pour m'aider à faire un choix ? » (j’étais perdu devant la dizaine de paires exposées)
« Oh écoutez, j’étais là, juste à côté, elle a pris bien assez de temps pour vous expliquer hein »
(Euh… non. Elle m’a ghosté quand l’autre client est arrivé.)
Je suis sonné par tant de grossièreté. Je lui dis calmement que je ne comprends plus où je suis là, et qu’on ne m’avait encore jamais traité ainsi dans une boutique. Mi-agacé, mi-amusé, et parfaitement agressif, il prend une chaussure : « Mais vous voulez quoi, que je vous explique dans quelle matière est telle semelle ? Telle empeigne ? »
Non. J’aurais juste aimé qu’on me présente les modèles pouvant convenir à mon usage, et possiblement en essayer un. C'est ce qu'on peut attendre d'une relation commerciale je crois ? Surréaliste.
Je lis ici de nombreux commentaires élogieux. Il faut croire qu'on a ses bonnes têtes dans cette boutique. La mienne manifestement, pour une raison que je chercher encore, n’en fait pas partie.